Montag, 2. August 2010
La conquête du Mont-Blanc réunit Juifs et Arabes israéliens
Lundi 2 août 2010



La conquête du Mont-Blanc réunit Juifs et Arabes israéliens




Ils sont huit, deux femmes et six hommes. Tous universitaires, âgés de 23 à 31 ans. Quatre d’entre eux sont Arabes, les quatre autres sont Juifs mais tous sont possesseurs d’un passeport israélien. Ces huit jeunes gens font partie d’une expédition, organisée par l’association Coexistences, basée à Lausanne, qui va s’attaquer dans les premiers jours du mois d’août à l’ascension du Mont-Blanc. Une expédition dirigée par le célèbre guide valaisan Jean Troillet et qui bénéficie du soutien des villes de Chamonix, en France, de Courmayeur, en Italie, et d’Haïfa, en Israël.





Ces huit jeunes gens, nous les avons retrouvés à l’entraînement à la cabane de l’A Neuve, à 2735 mètres d’altitude, au-dessus de La Fouly, en Valais, avec leurs deux guides, deux alpinistes confirmés, la Palestinienne Olfat Haider et l’Israélien Doron Erel. Ce dernier ne cache pas son enthousiasme. «C’est rare, les bonnes nouvelles en provenance du Proche-Orient. Là, j’ai une très bonne équipe, très soudée. Mais le Mont-Blanc, cela reste un gros morceau.»





Malek, Lubna, Nadim, Chaudi – les Arabes israéliens –, Ori, Tomer, Shiri et Golan – les juifs israéliens – le savent bien. Alors ils redoublent d’efforts pour être prêts à affronter la montagne qui les fait rêver depuis des mois.





«Avant, je n’avais pas d’amis arabes»





Pour Ori, «l’idée de faire le Mont-Blanc, c’est incroyable. Je suis sûr que cela va faire avancer les choses. Avant, je n’avais jamais eu d’amis arabes. Au début, on n’avait qu’un but commun, le Mont-Blanc. On a déjà réalisé le plus important, on est devenu des amis. Quand on est des amis, c’est plus facile ensuite de parler sereinement du conflit.»





Malek, l’Arabe de Nazareth, rêvait lui aussi de grimper sur le toit de l’Europe. «Jusqu’ici, mon sport, c’était le football. J’ai joué avec l’équipe de Nazareth lors d’un match en Espagne. Je suis allé en Italie aussi, pour le mariage d’un cousin. J’ai toujours eu envie de venir en Suisse. La paix, ce n’est pas facile, je le sais bien. Moi, je n’ai pas de problème. J’ai déjà beaucoup d’amis juifs.»





Sur le terrain, l’équipe paraît en tout cas déjà très soudée, grâce au travail d’Olfat Haider notamment – elle fut la seule Arabe membre de l’équipe nationale de volley-ball d’Israël – qui s’occupe principalement des questions psychologiques. Elle prend ainsi chaque jour du temps pour discuter, en tête à tête, avec chacun des membres de l’expédition.





«Pas facile de trouver des candidats»





«Vous savez, du côté arabe, cela n’a pas été facile de trouver des candidats. L’effort, dormir dans la nature, ce n’est pas spécialement dans notre culture. On y est arrivé. L’important, c’est de faire avancer les choses concrètement, de construire avec des jeunes qui habitent la même ville, qui font les mêmes études. Jusqu’ici, ils habitaient la même ville, ils étaient dans la même université, mais ils n’avaient aucune relation.»





De La Fouly à Troillet





Au-delà de la noblesse des objectifs, le défi est de taille. Les huit participants retenus n'ont pratiquement aucune notion des techniques alpines. Une semaine d'entraînement a donc été organisée ces jours dans les Alpes valaisannes, à La Fouly précisément. Une station retenue en raison des liens qui l'unissent au président Massimo Sandri, alpiniste confirmé. «C'est une région que j'aime et, de fil en aiguille, j'ai fait la connaissance de Jean Troillet qui est domicilié au village.» Le guide a été tout naturellement associé au projet et conduira l'ascension, lui qui cherche à promouvoir l'attrait de la montagne auprès de jeunes en difficulté au travers de sa Fondation.





Ces huit jeunes ont vite montré de grandes aptitudes en montagne. Certains n’avaient pourtant jamais marché dans la neige avant d’arriver en Suisse. Au fil des jours, ils ont appris à enchaîner des randonnées de 4 à 5 heures à bonne allure, à marcher avec des crampons, à avancer encordés sur un glacier avec une corde toujours bien tendue, comme leur a enseigné leur guide.





Ce jour-là, dans le vent glacial, juste au-dessous du sommet de la Grande Lui, à plus de 3300 mètres d’altitude, seul le froid semblait leur poser un petit problème. Et de retour à la cabane, comme de vieux amis, ils se sont applaudis à tout rompre avant de former un cercle pour mieux se retrouver entre eux.





Et en hébreu, tous se sont félicité des efforts déjà accomplis, tous ont dit leur volonté de faire ensemble cette ascension du Mont-Blanc. Et d’apporter enfin une petite lumière dans un conflit qui n’arrive déjà plus à les séparer





Source : La Tribune de Genève, Le Nouvelliste – Samedi 31 juillet 2010

... comment